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CHAPITRE VIII


L’étape était disposée comme le sont presque toutes les étapes, sur le chemin de la Sibérie. Au centre d’une cour entourée de piquets, se dressaient trois bâtiments tout en rez-de-chaussée ; dans l’un, le plus grand, — avec des fenêtres grillées, — logeaient les prisonniers ; dans l’autre, les gardiens ; dans le troisième étaient installés les bureaux, et c’est lui aussi qui servait de demeure au chef du convoi.

Les fenêtres des trois bâtiments étaient, ce soir-là, vivement éclairées ; et ces lumières, vues du dehors, suggéraient l’idée qu’à l’intérieur, autour d’elles, devait régner un chaud et tranquille bien-être. Deux lanternes étaient en outre allumées devant chaque perron : et il y avait encore cinq lanternes allumées dans la cour.

Le sous-officier conduisit Nekhludov, par un sentier fait de planches enfoncées dans la boue, jusqu’au perron du plus petit des trois bâtiments. Là, il lui fit monter trois marches, et entra avec lui dans une antichambre toute remplie d’une étouffante odeur de charbon. Près du poêle, un soldat en chemise de grosse toile, penché en deux, soufflait de toutes ses forces dans un samovar. En apercevant Nekhludov, il se redressa et courut jusqu’à la porte de la pièce voisine.

— Le voici, Votre Excellence !

— Eh bien, fais entrer ! — répondit une voix irritée.

— Veuillez prendre la peine d’entrer ! — dit le soldat à