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RÉSURRECTION

remplacé par un autre directeur, infiniment plus sévère.

— Ah ! la vie va devenir bien plus dure, maintenant ! — ajouta le gardien. Et il courut prévenir le nouveau directeur.

Celui-ci ne tarda pas à rejoindre Nekhludov. C’était un homme grand et maigre, avec un visage maussade aux pommettes saillantes.

— On ne peut pas voir les détenus en dehors des heures de visite réglementaires ! — dit-il à Nekhludov sans le regarder.

— C’est que je voudrais faire signer un recours en grâce !

— Vous n’avez qu’à me le remettre !

— J’ai absolument besoin de voir un instant la détenue Maslova. On me laissait toujours la voir, jusqu’ici !

— Bien des choses qui se sont faites jusqu’ici ne se feront plus ! — dit le directeur, en levant brusquement les yeux sur Nekhludov.

— Mais j’ai une autorisation du gouverneur ! — insista Nekhludov, tirant son portefeuille.

— Permettez ! — dit alors le directeur. Il prit la feuille dans ses longues mains osseuses, et la lut lentement.

— Veuillez passer au bureau ! — fit-il.

Le bureau était vide. Le directeur s’assit devant une table et se mit à feuilleter des papiers qui s’y trouvaient : évidemment, il se proposait d’assister à l’entretien. Nekhludov lui ayant demandé s’il pourrait voir aussi une détenue politique, la Bogodouchovska, le directeur répondit d’un ton bref que c’était impossible. « Les visites aux détenus politiques sont interdites ! » déclara-t-il ; et de nouveau il se plongea dans la lecture de ses papiers. Nekhludov, qui avait dans sa poche une lettre pour la Bogodouchovska se sentit dans la situation d’un suspect, pouvant être fouillé et retenu en prison.

Lorsque la Maslova entra dans le bureau, le directeur releva la tête, et, sans regarder Nekhludov ni elle, se