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CHAPITRE II


I


Lorsque Nekhludov revint de la campagne, la ville lui fit une impression particulièrement déplaisante. Il y arriva le soir, et se rendit aussitôt dans sa maison. Toutes les chambres étaient imprégnées d’une forte odeur de naphtaline, et Agrippine Petrovna et Korneï, tous deux, paraissaient à la fois fatigués et mécontents ; ils s’étaient même querellés, dans l’après-midi, au sujet de leur travail qui, du reste, consistait simplement à étendre, à faire sécher, et à serrer de nouveau les tapis et les vêtements.

La chambre à coucher de Nekhludov n’était pas, relativement, trop en désordre ; mais on avait négligé de la mettre en état pour la nuit, et des coffres se trouvaient placés devant la porte, qui gênaient le passage. Évidemment, Nekhludov, en revenant à l’improviste, avait dérangé la grande entreprise de nettoyage qui, depuis des semaines, se poursuivait dans la maison avec une lenteur extraordinaire.

Et tout cela parut à Nekhludov si stupide et si ridicule, en comparaison de la misère qu’il venait de voir chez les paysans, qu’il résolut de quitter la maison dès le lendemain matin pour s’installer à l’hôtel, laissant Agrippine Petrovna procéder à ses arrangements comme bon lui semblerait.

En effet, le lendemain, il sortit de bonne heure, se choisit deux petites chambres meublées, de l’aspect le plus modeste, dans la première auberge qu’il trouva sur le chemin de la prison ; et, après avoir donné l’ordre d’y