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CHAPITRE IX


I


En se réveillant, le lendemain matin, Nekhludov eut tout de suite vaguement conscience que quelque chose lui était arrivé la veille, quelque chose de très beau et de très important. Puis ses souvenirs se précisèrent. « Katucha, la cour d’assises ! » Oui, et la résolution prise de cesser de mentir, et de dire désormais toute la vérité !

Et voici que, par une coïncidence étonnante, il trouva dans son courrier, en se levant, la lettre, si longtemps attendue, de Marie Vassilievna, la femme mariée dont il avait été l’amant. Elle lui rendait sa liberté, ajoutant qu’elle faisait des vœux de bonheur pour son prochain mariage.

— Mon mariage ! — se dit-il avec un sourire, — comme cela est loin !

Et il se rappela le projet qu’il avait fait, la veille, de tout dire au mari de sa maîtresse, de lui demander pardon, et de se mettre à sa disposition pour telle réparation qu’il exigerait de lui. Mais ce beau projet ne lui parut plus, le matin, aussi facile à exécuter que la veille. Et puis, pourquoi rendre un homme malheureux en lui révélant une vérité qui ne pouvait manquer de le faire souffrir ? « S’il me demande ce qui en est, je le lui dirai. Mais aller moi-même le lui dire, non, cela n’est pas nécessaire ! »

Non moins irréalisable lui parut, à la réflexion, son projet de dire toute la vérité à Missy. Là encore, il n’avait nul besoin de parler : c’était s’humilier inutile-