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RÉSURRECTION

supérieure de la société. Pour la Maslova elle-même, d’ailleurs, il ne pouvait plus être question d’entrer dans un atelier de blanchisseuse. C’est tout au plus si elle se résignait à séjourner provisoirement dans la chambre de sa cousine : elle considérait avec une pitié mêlée de mépris la vie de travaux forcés que menaient, dans l’atelier, les blanchisseuses, s’épuisant à frotter et à repasser, par trente degrés de chaleur, avec la fenêtre ouverte hiver comme été. Et c’est à cette époque que, tandis que la Maslova se trouvait dans un dénuement extrême, ne parvenant pas à rencontrer un seul protecteur, elle fut rejointe par une entremetteuse qui racolait des filles pour les maisons de tolérance.

La Maslova avait pris depuis longtemps déjà l’habitude de fumer ; et, dans les derniers temps de ses rapports avec le commis, elle s’était de plus en plus entraînée à boire. Le vin l’attirait non seulement parce qu’il lui paraissait agréable au goût, mais surtout parce qu’il lui procurait une distraction, et faisait taire en elle la voix de sa conscience ; car, à jeun, elle s’ennuyait, et souvent avait honte. Aussi l’entremetteuse eut-elle soin de l’inviter à un repas ; puis, l’ayant grisée, elle lui proposa de la faire entrer dans une belle maison, la meilleure de la ville, étalant devant elle toutes les commodités et tous les privilèges de la vie qu’elle y mènerait. La Maslova avait à choisir : d’une part, un emploi humiliant de servante, dans lequel, suivant toute probabilité, elle aurait à subir les instances des hommes, et devrait se livrer à une prostitution secrète et précaire ; d’autre part, une position assurée et tranquille, une prostitution avouée, protégée par la loi, grassement rétribuée.

Elle choisit naturellement le second parti. Elle avait, en outre, l’impression de se venger ainsi du prince qui l’avait séduite, et du commis, et de tous les hommes dont elle avait eu à se plaindre. Mais ce qui la tenta surtout, et qui fut la cause principale de sa détermination, c’est que l’entremetteuse lui dit qu’elle pourrait se commander toutes les robes qu’elle voudrait, en velours,