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pouvaient croire que ces messieurs n’étaient venus uniquement que dans ce but ; les lapins eux-mêmes comprennent bien que les chiens ne sont jamais lâchés que pour les dévorer.

Mais la porte était fermée et les habitants alarmés retournèrent sur leurs pas ; quant à nous, nous nous divisâmes en groupes et nous nous mîmes en route. J’étais accompagné des deux hommes du monde et de deux étudiants. Dans l’obscurité, devant nous, marchait Vania, en paletot et pantalon blancs, portant une lanterne. Nous le suivîmes. Nous entrâmes dans les logements que j’avais déjà visités. Les chambres m’étaient connues, quelques-uns des habitants aussi, mais la plupart des hommes étaient nouvellement arrivés. Le spectacle était encore plus effrayant que celui auquel j’avais assisté dans la maison Liapine. Tous les logements étaient pleins ; tous les lits étaient occupés, et souvent par deux personnes. Ce spectacle était épouvantable, vu l’exiguïté des pièces et le nombre de gens, hommes et femmes, qui s’y trouvaient entassés pêle-mêle. Quoiqu’elles ne fussent pas ivres-mortes, toutes les femmes dormaient à côté des hommes. Beaucoup de femmes avec leurs enfants couchaient dans les lits étroits avec des