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Sans doute, me disais-je, ce n’est pas moi et tout mon luxe individuel qui sommes coupables, mais plutôt les conditions inévitables de la vie. En effet, le changement de mon genre de vie ne pouvait pas remédier au mal que j’avais vu. En changeant ma vie, je ne ferais que rendre malheureux mes parents et moi-même, et les autres n’en seraient pas moins malheureux.

C’est pourquoi ma tâche ne consiste pas à changer ma vie, comme je l’avais cru d’abord, mais à concourir dans la mesure de mes forces à améliorer la situation des malheureux qui avaient excité ma compassion.

Une chose certaine, c’est que j’étais un bon et brave homme et que je désirais faire du bien à mon prochain… Et je me mis à méditer un plan de bienfaisance par lequel je pourrais faire preuve de ma vertu… Et cependant, je dois dire que, tout en pensant à ces projets de bienfaisance, je sentais intérieurement que ce n’était pas là ce qu’il faut ; mais, comme cela se produit souvent, le travail de ma pensée et de mon imagination étouffaient la voix de ma conscience.

À ce moment avait lieu le recensement ; je crus que c’était un moyen de mettre mes projets de bienfaisance à exécution et de montrer ainsi ma