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le nombre des gens qui se dirigeaient vers le même point augmentait de plus en plus. Ayant traversé le marché et pris une rue adjacente, je rejoignis deux femmes ; l’une était âgée et l’autre jeune. Toutes deux étaient vêtues de loques qui semblaient grises. Elles parlaient d’une affaire. Après chacun des mots nécessaires elles ajoutaient un ou deux mots inutiles et des plus indécents. Elles n’étaient pas ivres, mais préoccupées par leur affaire. Les hommes qui les croisaient ou les précédaient ne prêtaient aucune attention à cette façon de s’exprimer si étrange pour moi. Évidemment dans cet endroit l’on s’exprimait toujours ainsi. À gauche, se trouvaient les asiles de nuit fondés par des particuliers ; quelques-uns de ces malheureux y entraient, les autres poursuivaient leur chemin. Arrivés au bout de la rue, nous nous approchâmes d’une grande maison qui en faisait le coin. La plupart des hommes, qui marchaient avec moi, s’arrêtèrent près de cette maison. Sur toute l’étendue du trottoir se tenaient, debout ou assis sur les dalles ou sur la neige de la chaussée, des gens ayant le même aspect que mes compagnons de route. À droite de l’entrée se trouvaient les femmes ; à gauche les hommes.