Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.


II


Quand je parlais de cette misère aux gens des villes, ceux-ci me répondaient toujours : « Oh ! ce que vous avez vu n’est encore rien. Mais regardez le marché de Khitrof et les maisons de nuit qui l’entourent. Là, vous verrez la vraie compagnie dorée — terme ironique pour désigner la classe des vagabonds ». Un plaisant me disait que ce n’est plus une compagnie, mais un régiment doré, tant sont nombreux tous ces gens-là. Le plaisant avait raison, mais il aurait été encore plus exact de dire que ces hommes forment à présent à Moscou, non une compagnie, ni même un régiment, mais une armée entière, qui compte, suivant moi, cinquante mille hommes.