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Il n’y a pas une seule définition objective de la beauté. Les définitions existantes, aussi bien métaphysiques qu’expérimentales, aboutissent toutes à cette même définition subjective qui veut que l’art soit ce qui manifeste de la beauté, et que la beauté soit ce qui plaît sans exciter le désir. Bien des esthéticiens ont senti l’insuffisance et l’instabilité d’une telle définition ; et, pour lui donner une base solide, ont étudié les origines du plaisir artistique. Ils ont, par là, transformé la question de la beauté en une question du goût. Mais le goût, en fin de compte, s’est trouvé aussi difficile à définir que la beauté. Car il n’y a et ne saurait y avoir d’explication complète et sérieuse de ce qui fait qu’une chose plaît à un homme et déplaît à un autre, ou vice versa. Et, de la sorte, toute l’esthétique, depuis sa fondation jusqu’à nos jours, échoue à faire ce que nous pouvions compter qu’elle ferait, en sa qualité de soi-disant science ; elle ne définit, en effet, ni les qualités et les lois de l’art, ni le beau, ni la nature du goût. Toute cette fameuse science de l’esthétique consiste au fond, à ne reconnaître comme étant artistiques qu’un certain nombre d’œuvres, simplement parce qu’elles nous plaisent, et puis ensuite à com-