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et autres, y répond à sa manière ; de même les éclectiques français, et Taine, et Guyau et leurs successeurs ; et tous ces écrivains connaissent, et trouvent insuffisantes, toutes les définitions données précédemment par Baumgarten, et Kant, et Schiller, et Fichte, et Winckelmann, et Lessing, et Hegel, et Schopenhauer, et Hartmann, et Cousin, et mille autres.

Quelle est donc cette étrange notion de la beauté qui paraît si simple à tous ceux qui en parlent sans y penser, mais que personne n’arrive à définir depuis cent cinquante ans, ce qui n’empêche pas tous les esthéticiens de fonder sur elle toutes leurs doctrines de l’art ?

Dans notre langue russe, le mot krasota (beauté) signifie simplement ce qui plaît à la vue. Et, bien qu’on se soit mis, depuis quelque temps, à nous parler d’une « laide action », ou d’une « belle musique », ce n’est point là de bonne langue russe. Un Russe du peuple, ignorant les langues étrangères, ne vous comprendra pas si vous lui dites qu’un homme qui donne tout ce qu’il a fait une « belle » action, ou qu’une chanson est de « belle » musique. Dans notre langue russe, une action peut être charitable et bonne, ou méchante