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tume ordinaire, qui s’agitaient et couraient d’un bout à l’autre de la scène. L’un était le directeur de la partie dramatique, le régisseur, comme on dit. L’autre, qui était chaussé d’escarpins, et qui courait avec une agilité prodigieuse, était le maître de danse. J’ai su depuis qu’il touchait, par mois, plus d’argent que dix ouvriers n’en gagnent en un an.

Ces trois directeurs étaient en train de régler la mise en scène de la procession. Celle-ci, comme il est d’usage, se faisait par couples. Des hommes, portant sur l’épaule des hallebardes d’étain, se mettaient tout d’un coup en mouvement, faisaient plusieurs fois le tour de la scène, et de nouveau s’arrêtaient. Et ce fut une grosse affaire, de régler cette procession : la première fois, les Indiens avec leurs hallebardes partirent trop tard, la seconde fois trop tôt ; la troisième fois ils partirent au moment voulu, mais perdirent leurs rangs au cours de leur marche ; une autre fois encore ils ne surent pas s’arrêter à l’endroit qui convenait ; et chaque fois la cérémonie entière était reprise, depuis le début. Ce début était formé par un récitatif, où il y avait un homme habillé en turc qui, ouvrant la bouche d’une façon singulière, chantait : « Je