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coup dans l’enseignement philosophique. J’ai reçu dernièrement d’Amérique un livre intitulé la Survivance du plus apte, ou la Philosophie de la Force, par Ragnar Redbeard (Chicago, 1897). L’idée principale de ce livre, exprimée d’ailleurs dès la préface, c’est qu’il est absurde d’évaluer plus longtemps le bien d’après la philosophie mensongère des prophètes juifs et des « messies larmoyants ». Le droit, pour cet auteur, ne se fonde que sur la force. Toutes les lois, tous les préceptes qui nous enseignent à ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fît à nous-mêmes, tout cela n’a, en soi, aucun sens, et ne vaut à diriger les hommes que par son accompagnement de coups de bâton, de coups de sabre, et de prison. L’homme vraiment libre ne doit obéir à aucune loi, humaine ou divine ; toute obligation est le signe de la dégénérescence ; l’absence d’obligation est la marque des héros. Les hommes doivent cesser de se croire engagés par des erreurs, imaginées pour leur nuire. L’univers entier n’est qu’un champ de bataille. Et la justice idéale consiste en ce que les vaincus soient exploités, torturés, méprisés. L’homme libre et audacieux peut conquérir le monde. Et, comme conséquence, les