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celui-là n’était admis et encouragé que si les sentiments qu’il exprimait n’étaient pas contraires à la conscience religieuse. Ainsi, par exemple, chez les Grecs on isolait du reste, on approuvait et encourageait l’art qui exprimait les sentiments de la beauté, de la force, de la virilité (Hésiode, Homère, Phidias), tandis que l’on condamnait et dédaignait l’art qui traduisait des sentiments de sensualité grossière, d’abaissement, et de tristesse. Chez les Juifs, on admettait et on encourageait l’art qui exprimait des sentiments de soumission envers le Dieu des Juifs, tandis que l’on condamnait et dédaignait l’art qui exprimait des sentiments d’idolâtrie ; et tout le reste de l’art, récits, chants, ornements des maisons, vases, vêtements, pourvu que cela ne fût pas contraire à la conscience religieuse, n’était ni condamné, ni encouragé. Ainsi l’art, toujours et partout, se trouvait évalué d’après son contenu ; ainsi il devrait toujours être évalué, attendu que cette façon de considérer l’art découle de l’essence même de la nature humaine, et que cette essence est à jamais invariable.

Je n’ignore pas que, suivant une opinion répandue dans notre temps, la religion est un préjugé dont l’humanité s’est enfin affranchie ; et il résul-