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férieurs, moins bons et moins utiles pour le bonheur de l’homme, se substituent sans cesse des sentiments meilleurs, plus utiles à ce bonheur. Telle est la destination de l’art. Et, par conséquent, l’art est d’autant meilleur quant à son contenu qu’il remplit mieux cette destination ; il est d’autant moins bon qu’il la remplit moins bien.

Or, l’évaluation des sentiments, c’est-à-dire la distinction de ceux qui sont bons d’avec ceux qui sont moins bons, au point de vue du bonheur de l’homme, cette évaluation est l’œuvre de la conscience religieuse d’une époque.

À toutes les époques historiques, et dans toutes les sociétés, il y a une conception supérieure, — propre à cette époque, — du sens de la vie ; et c’est elle qui détermine l’idéal de bonheur vers lequel tendent cette époque et cette société. Cette conception constitue la conscience religieuse. Et cette conscience se trouve toujours clairement exprimée par quelques hommes d’élite, tandis que tout le reste de leurs contemporains la ressent avec plus ou moins de force. Il nous semble bien, parfois, que cette conscience manque dans certaines sociétés : mais en réalité ce n’est point qu’elle manque, c’est nous qui ne voulons pas la voir. Et souvent nous