Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’est plus singulier et plus nouveau l’état d’âme où il se trouve transporté.

La clarté avec laquelle sont exprimés les sentiments, en second lieu, détermine la contagion parce que, dans notre impression d’être unis avec l’auteur, notre satisfaction est d’autant plus grande que se trouvent plus clairement exprimés ces sentiments dont il nous semble que, depuis longtemps déjà, nous les éprouvons et que nous venons enfin de réussir à les exprimer.

Mais surtout c’est le degré de sincérité de l’artiste qui détermine le degré de la contagion artistique. Dès que le spectateur, l’auditeur, le lecteur devinent que l’artiste est lui-même ému par son œuvre, qu’il écrit, peint, joue pour lui-même, ils s’assimilent aussitôt les sentiments de l’artiste ; et, au contraire, dès que le spectateur, l’auditeur, le lecteur devinent que l’auteur ne produit pas son œuvre pour lui-même, et n’éprouve pas lui-même ce qu’il veut exprimer, aussitôt naît en eux un désir de résistance ; et ni la nouveauté du sentiment ni la simplicité de l’expression ne parviennent à leur donner l’émotion voulue.

Je parle là de trois conditions de la contagion artistique ; mais en réalité toutes les trois se ré-