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Depuis le sujet, pris aux vieilles légendes, jusqu’aux nuages, aux levers du soleil et de la lune, Wagner a fait emploi de tout ce qui est considéré comme poétique. Nous trouvons dans son œuvre la belle au bois dormant, et les nymphes, et les feux souterrains, et les gnomes, et les batailles, et les épées, et l’amour, et l’inceste, et un monstre, et des oiseaux qui chantent : l’arsenal du poétique y est au grand complet.

Ajoutez que tout y est beau. Les décors sont beaux, et les costumes, et les nymphes, et la walkyrie. Les sons eux-mêmes sont beaux. Car Wagner, qui était loin de manquer de talent, a inventé, — vraiment inventé, — pour accompagner son texte, des combinaisons de sons aussi belles d’harmonie que de timbre. Toute cette beauté est d’un ordre assez bas, et d’un goût fâcheux, comme les belles femmes qu’on voit peintes sur les affiches, ou comme de beaux officiers en grande tenue : mais tout cela est incontestablement beau.

En troisième lieu, tout est, au plus haut degré, saisissant et plein d’effet : les monstres, les feux magiques, les scènes dans l’eau, l’obscurité de la salle, l’invisibilité de l’orchestre, et puis des com-