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attributs non seulement ne peut servir d’étalon de l’excellence d’une œuvre d’art, mais n’a même rien de commun avec l’art véritable.

Poétique, cela signifie simplement : emprunté ailleurs. Tous les emprunts rappellent au lecteur, au spectateur, à l’auditeur, de vagues souvenirs d’impressions artistiques fournies par des œuvres antérieures ; mais jamais ils ne peuvent nous transmettre les sentiments de l’artiste lui-même. Une œuvre fondée sur des emprunts, par exemple le Faust de Goethe, peut être bien exécutée, pleine d’intelligence, et même de beauté ; mais elle ne saurait produire une véritable impression artistique, parce qu’elle manque du caractère principal d’une œuvre d’art, l’unité, l’ensemble, cette alliance profonde de la forme et du fond qui exprime des sentiments éprouvés par l’artiste. L’artiste, en employant cette méthode, parvient seulement à nous transmettre des sentiments qui lui ont été transmis à lui-même ; son œuvre n’est qu’un reflet d’art, un semblant d’art, mais non pas de l’art. Dire d’une telle œuvre qu’elle est bonne parce qu’elle est poétique, donc parce qu’elle ressemble à une œuvre d’art, c’est comme si l’on disait d’une pièce en plomb qu’elle est