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ser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français, Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.

Aussi ai-je pris la liberté de supprimer, dans la traduction de ce livre, un passage où sont cités comme étant « absolument incompréhensibles » deux poèmes en prose français, le Galant Tireur de Baudelaire, et le Phénomène Futur, de M. Mallarmé. Voici d’ailleurs ces deux poèmes en prose : on verra s’ils méritent le reproche que leur fait le comte Tolstoï.

LE GALANT TIREUR

Comme la voiture traversait le bois, il la fit arrêter dans