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soit possible, et qu’on trouve un moyen pour mettre l’art, tel qu’on l’entend, à la disposition du peuple, une autre considération se présente pour prouver que cet art ne saurait être universel : à savoir qu’il est absolument inintelligible pour le peuple. Jadis des poètes écrivaient en latin ; mais à présent les productions artistiques de nos poètes sont aussi inintelligibles au commun des hommes que si elles étaient écrites en sanscrit.

Répondra-t-on que la faute en est au manque de culture et de développement du commun des hommes, et que notre art pourra être compris de tous le jour où tous auront reçu une éducation suffisante ? C’est encore là une réponse insensée, car nous voyons que de tout temps l’art des classes supérieures n’a été qu’un simple passe-temps pour ces classes elles-mêmes, sans que le reste de l’humanité y ait rien compris. Les classes inférieures ont eu beau se civiliser : l’art qui, à l’origine, n’a pas été fait pour eux leur est toujours resté inaccessible. Il leur est et leur sera toujours étranger de par sa nature même, puisqu’il exprime et transmet des sentiments propres à une certaine classe, et étrangers au reste des hommes.

C’est ainsi que, par exemple, des sentiments