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sique sera en partie remplacé par les machines, en partie allégé par une distribution plus équitable. À ce moment il n’y aura plus d’hommes forcés de passer leur vie à se tenir derrière la scène pour faire mouvoir les décors, ou à jouer du cornet à piston dans l’orchestre, ou à imprimer des livres ; les hommes qui feront tout cela n’y travailleront que quelques heures par jour, et pourront, dans leurs loisirs, jouir à leur aise des bénédictions de l’art.

Voilà ce que disent volontiers les défenseurs de l’art d’à présent. Mais je suis convaincu qu’ils ne croient pas eux-mêmes ce qu’ils disent. Ils ne peuvent pas ne pas savoir que l’art tel qu’ils l’entendent a pour condition nécessaire l’oppression des masses, et ne saurait durer que par le maintien de cette oppression. Il est indispensable que des masses d’ouvriers s’épuisent au travail pour que nos artistes, écrivains, musiciens, danseurs, et peintres arrivent au degré de perfection qui leur permet de nous faire plaisir. Affranchissez les esclaves du capital, et ce sera chose aussi impossible de produire un tel art que c’en est une aujourd’hui d’admettre à en jouir ces mêmes esclaves.

Mais à supposer même que cette impossibilité