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moi une théorie toute prête sur la manière dont je devais la comprendre. Jésus ne m’apparaissait pas comme un prophète qui me révèle la loi divine, mais comme continuateur et amplificateur de la loi divine absolue que je connaissais déjà. J’avais déjà des notions très précises et très compliquées sur Dieu, le créateur du monde et de l’homme, sur les commandements de Dieu donnés aux hommes par l’intermédiaire de Moïse.

Dans les Évangiles, je rencontrais les paroles : « Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, dent pour dent, et moi je vous dis : ne résistez point au méchant. » Les mots : « œil pour œil, dent pour dent », exprimaient la loi donnée par Dieu à Moïse. Les mots : « Et moi je vous dis : ne résistez pas au méchant ou au mal, » exprimaient la nouvelle loi qui était une négation de la première.

Si j’avais saisi les paroles de Jésus, tout simplement, dans leur vrai sens, et non pas à travers cette théorie théologique que j’avais déjà sucée à la mamelle, j’aurais immédiatement compris que Jésus abroge l’ancienne loi et donne sa nouvelle loi.

Mais on m’avait enseigné que Jésus n’abroge pas la loi de Moïse, qu’il la confirme, au contraire, tout entière jusqu’au moindre trait de lettre ou iota et qu’il la complète.

Les versets 17-23 du chapitre v de Matthieu, qui affirment cela, m’avaient toujours frappé auparavant, quand je lisais l’Évangile, par leur obscurité et me plongeaient dans le doute. Je me rappelais certains passages de l’Ancien Testament que je connaissais fort bien, surtout les derniers livres de Moïse, dans lesquels se trouvent ces prescriptions minutieuses, absurdes et