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sant à la foule : « Et si quelqu’un veut plaider contre vous pour vous prendre votre robe, abandonnez-lui encore votre manteau. » (Matth., v, 40.)

Peut-être encore Jésus ne parle-t-il que des rapports personnels dans lesquels il convient que chaque homme se place vis-à-vis des institutions judiciaires, mais ne nie-t-il pas la justice et admet-il dans une société chrétienne des individus qui jugent les autres en corps constitués.

Je vois que c’est encore inadmissible. Jésus, dans sa prière, exhorte tous les hommes sans exception à pardonner, afin que leurs fautes leur soient également remises. Et cette pensée, il l’exprime souvent. Il est clair que chacun, en priant et avant d’apporter son offrande, doit pardonner à tout le monde.

Comment donc un homme qui, d’après sa religion, doit pardonner sans fin à tout le monde pourrait-il juger et condamner ? Ainsi je vois que, selon la doctrine de Jésus, il ne saurait y avoir de juge chrétien qui condamne.

Mais peut-être, d’après le rapport qui existe entre les mots : « Ne jugez point et vous ne serez point jugés, » et les paroles précédentes ou subséquentes, pourrait-on conclure que Jésus, en disant : « Ne jugez pas, » ne pensait pas aux institutions judiciaires ?

Cela n’est pas non plus le cas ; au contraire, il est clair, d’après le rapport des phrases, qu’en disant : « Ne jugez point, » Jésus parle précisément des institutions judiciaires. Selon Matthieu et Luc, avant de dire : « Ne jugez point, ne condamnez point » il dit : de ne point résister au mal. Et plus haut, selon Matthieu, il répète les termes de l’ancienne loi criminelle hébraïque : Œil