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familles non chrétiennes, qui ont coutume de se défendre, eux et leur propriété, par la violence, et que ce chrétien soit sollicité de prendre part à la défense ? Cette sollicitation est précisément pour un chrétien un appel à l’accomplissement de l’œuvre de sa vie.

Un chrétien ne connaît la vérité que pour la montrer aux autres, et surtout à ses proches, aux êtres unis avec lui par les liens de famille et d’amitié, et un chrétien ne peut pas montrer autrement la vérité qu’en ne tombant point dans l’erreur dans laquelle sont tombés les autres, en ne prenant parti ni pour les agresseurs ni pour les défenseurs, mais en abandonnant tout ce qu’il possède à qui veut le prendre, en montrant par ses actes qu’il n’a besoin de rien hors l’accomplissement de la volonté de Dieu, et qu’il n’a peur de rien, excepté de forfaire à cette volonté.

Mais le gouvernement ne peut pas admettre qu’un membre de la société ne reconnaisse pas les bases de l’ordre gouvernemental et qu’il décline de remplir le devoir de tout citoyen, — me dira-t-on.

L’autorité exigera d’un chrétien le serment, son concours aux tribunaux, au service militaire, et son refus sera puni d’exil, d’emprisonnement, même de mort ! Eh bien ! encore une fois, ces exigences de l’autorité ne seront, pour un chrétien, qu’un appel à l’accomplissement de l’œuvre de sa vie. Pour un chrétien, les exigences de l’autorité sont les exigences des gens qui ne connaissent pas la vérité. Par conséquent, un chrétien qui la connaît ne peut pas ne pas rendre témoignage de la vérité devant des gens qui ne la connaissent pas. La violence, l’emprisonnement et la mort qui pourraient en être la conséquence pour un chrétien lui donnent la