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Jésus m’a montré que la quatrième tentation qui détruit mon bien, c’est le recours à la violence contre les hommes pour résister au méchant. Je ne puis pas ne pas croire que c’est un mal pour moi et pour les autres ; par conséquent, je ne puis plus le faire sciemment et je ne puis plus, comme je le faisais auparavant, justifier ce mal par le prétexte qu’il est indispensable pour ma défense et celle des autres, pour la défense de ma propriété et de celle des autres ; je ne puis plus, au premier avertissement — que je me laisse aller à la violence, — ne pas y renoncer aussitôt et m’en abstenir.

Mais ce n’est pas tout ; maintenant, je connais encore le piège qui me faisait tomber dans ce mal. Je sais maintenant que ce piège consiste dans l’erreur de croire que ma vie peut être garantie par la violence, — par la défense de ma personne et de ma propriété contre les autres hommes. Je sais maintenant qu’une grande partie des maux humains proviennent de ce que, au lieu de donner son travail aux autres, non seulement les hommes ne le font pas, mais se privent complètement de travail et s’approprient par la force le travail des autres. En me souvenant maintenant de tout le mal que je me faisais à moi-même et aux autres et de tout le mal que j’ai vu faire, je vois que la plus grande partie des maux provenait de ce que chacun considérait comme une chose convenue que se défendre par la force est la meilleure garantie possible de la vie et de la propriété. Je comprends maintenant la signification des mots : « L’homme est au monde non pas pour être servi par le travail des autres, mais pour servir en travaillant au profit des autres, » ainsi que la signification des mots : « L’ouvrier mérite sa nourriture. » Je crois maintenant