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neront pour nous d’éternels tourments ; croire tout cela ne contribue pas à faciliter la compréhension de la doctrine de Jésus, bien au contraire ; cela lui enlève sa base principale.

Toute la doctrine de Jésus consiste à enseigner le renoncement à la vie personnelle, qui est une chimère et à faire rentrer cette vie personnelle dans la vie commune de toute l’humanité, dans la vie du Fils de l’homme. Or la doctrine de l’immortalité individuelle de l’âme, non seulement ne pousse pas à renoncer à la vie personnelle, mais au contraire affirme l’individualité à tout jamais.

D’après les idées des Juifs, des Chinois, des Hindous, et de tous les hommes qui ne croient pas au dogme de la déchéance et de la rédemption, la vie est la vie telle qu’elle est. L’homme vit, s’unit à une femme, engendre des enfants, les élève, vieillit et meurt. Ses enfants grandissent ; ils continuent sa vie, qui passe ainsi sans interruption d’une génération à une autre, dans le monde : les pierres, les métaux, la terre, les plantes, les animaux, les astres. La vie est la vie, et il faut en profiter de son mieux.

Vivre pour soi seul de la vie animale n’est point raisonnable. Aussi les hommes, depuis qu’ils existent, cherchent-ils des buts d’existence en dehors d’eux-mêmes ; ils vivent pour leurs enfants, pour leur famille, pour le peuple, pour l’humanité, pour tout ce qui ne meurt pas avec la vie personnelle.

Au contraire, selon la doctrine des Églises, la vie humaine, ce bien suprême que nous possédons, est représentée comme une petite partie de cette autre vie dont nous sommes privés pour un temps.