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tir la vie. (Luc, lxi.) « Marthe, Marthe, vous vous empressez et vous vous troublez dans le soin de beaucoup de choses ; cependant une seule chose est nécessaire. »

Depuis le moment de sa naissance, l’homme est menacé d’un péril inévitable, c’est-à-dire d’une vie dépourvue de sens et d’une mort absurde, s’il ne découvre cette chose nécessaire pour la vraie vie ; or c’est précisément cette seule chose, qui assure la vraie vie, que Jésus révèle aux hommes. Il n’improvise pas, il ne promet rien de par sa puissance divine ; il révèle seulement aux hommes, à côté de cette vie personnelle qui est un leurre, la vérité, qui n’a rien de commun avec les chimères.

Dans la parabole des vignerons (Matthieu, xxi, 33-42), Jésus met en évidence cette cause d’aveuglement chez les hommes, qui leur cache la vérité et qui les pousse à prendre l’apparence de la vie, — leur vie personnelle — pour la vraie vie.

Des hommes, s’étant établis dans le jardin cultivé d’un propriétaire, se figurent qu’ils en sont les maîtres. Et cette illusion devient pour ces hommes la source de toute une série d’actions insensées et cruelles, qui aboutissent à leur exil, à leur exclusion de la vie. C’est ainsi que chacun de nous se figure que la vie est sa propriété personnelle, qu’il y a droit et qu’il peut en jouir comme bon lui semble, sans reconnaître nulle obligation envers qui que ce soit. Et la conséquence inévitable de cette illusion est également pour chacun de nous une série d’actes insensés et cruels suivis de catastrophes et de l’exclusion de la vie. Et comme les vignerons tuent les envoyés et les fils du propriétaire, se figurant que plus ils seront cruels, mieux ils seront