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résolue une fois pour toutes par Adam au paradis de la manière que nous savons. Adam a péché pour moi ; en d’autres termes, il a fait erreur et tous les hommes — tous, sont déchus, sans retour, et tous nos efforts pour vivre raisonnablement — sont vains et impies. Je suis irréparablement mauvais et je dois savoir cela. Et mon salut ne dépend pas de ce que je puis éclairer ma vie par ma raison, et après avoir reconnu ce qui est bien et mal, faire ce qui est le mieux ; non, Adam a une fois pour toutes fait erreur pour moi, et Jésus, une fois pour toutes, a remédié au mal commis par Adam ; c’est pourquoi je dois, comme un spectateur, m’attrister de la chute d’Adam et me réjouir de la rédemption de Jésus.

Tout ce qu’il y a d’amour pour le bien et la vérité dans le cœur de l’homme, tous ses efforts pour éclairer par sa raison sa vie spirituelle, — tout cela est non seulement peu important d’après cette doctrine, mais c’est une tentation, c’est de l’orgueil.

La vie telle qu’elle est sur la terre avec toutes ses joies, ses splendeurs, avec les luttes de la raison contre les ténèbres, — la vie de tous les hommes qui ont vécu avant moi, toute ma vie à moi, avec mes luttes intérieures et les triomphes de ma raison, tout cela n’est pas la vraie vie, c’est la vie déchue, mauvaise sans retour ; mais la vraie vie, sans péché, n’est que dans la foi, c’est-à-dire dans l’imagination, c’est-à-dire dans la démence.

Que l’on rompe avec l’habitude contractée dès l’enfance, de croire à tout cela ; qu’on essaye d’envisager cette doctrine en face, simplement qu’on essaye de s’identifier par la pensée à un homme sans préventions, élevé hors d’elle et l’on se demandera si cette doctrine