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raison est impuissante et que, précisément à cause de cela, ils sont sans péché, c’est-à-dire ne peuvent pas faillir.

Un croyant fidèle doit s’imaginer que depuis Jésus-Christ la terre produit sans travail, les enfants ne naissent plus dans les tourments, les maladies n’existent plus, la mort est supprimée, de même le péché, c’est-à-dire l’erreur, en un mot que ce qui est n’est pas, et ce qui n’est pas — est.

Telle est la théorie rigoureusement logique de la théologie.

Cette doctrine, par elle-même, paraît innocente. Mais les écarts de la vérité ne sont jamais inoffensifs et entraînent des conséquences d’autant plus graves que le sujet auquel s’applique l’erreur est plus important. Et ici le sujet qu’on traite et auquel on applique l’erreur, c’est l’homme dans sa vie tout entière.

Ce qui d’après cette doctrine s’appelle la vraie vie est la vie personnelle, bienheureuse, sans péché et éternelle, c’est-à-dire une vie que personne n’a jamais connue et qui n’existe pas. Mais, la vie qui est, que seule nous connaissons, dont nous vivons et dont a vécu et vit toute l’humanité, est, d’après cette doctrine, une vie déchue, mauvaise, une apparence seulement de cette vie bienheureuse qui nous est due.

La lutte entre les instincts de la vie animale et de la vie raisonnable, qui est l’essence de la vie de l’homme, cette doctrine n’en tient pas compte. La lutte, elle a eu lieu, en Adam, dans le paradis, à l’époque de la création et la question : Mangerai-je ou ne mangerai-je pas de ces pommes qui me séduisent ? n’existe pas pour l’homme, d’après cette doctrine. Cette question a été