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difficulté tombe complètement. Jésus dit de quelle manière Moïse prescrit aux Hébreux de se comporter avec les peuples ennemis. Tous ces passages dispersés dans les divers livres des Écritures ou il est prescrit d’opprimer, de tuer, d’exterminer les autres peuples, — Jésus les résume en un mot : « Haïr » ; — faire du mal à l’ennemi. Et il dit : Vous avez appris qu’il faut aimer les siens et haïr les peuples ennemis ; et moi je vous dis : « Aimez tout le monde sans distinction de nationalité. » Et aussitôt que j’eus compris ainsi ces paroles, je vis s’aplanir immédiatement la difficulté principale : comment comprendre les paroles : « Aimez vos ennemis ». Il est impossible d’aimer ses ennemis personnels, mais on peut parfaitement aimer les membres d’une nation ennemie à l’égal de ses compatriotes. Et je vis clairement qu’en disant : Vous avez appris : « Vous aimerez votre prochain et vous haïrez votre ennemi ; mais moi je vous dis : « Aimez vos ennemis », Jésus veut dire que les hommes sont tous habitués à considérer les compatriotes comme le prochain, et les étrangers comme des ennemis, et qu’il réprouve cela. Il dit : la loi de Moïse établit une différence entre l’Hébreu et l’étranger, — les peuples ennemis, — et moi je vous dis — ne faites pas cette différence. Et, en effet, d’après Matthieu et Luc, aussitôt après ce commandement, il dit que pour Dieu tous les hommes sont égaux, tous sont réchauffés par le même soleil, tous profitent de la même pluie ; Dieu ne fait pas de différence entre les peuples et prodigue le bien à tous les hommes ; les hommes doivent agir exactement de même entre eux, sans distinction de nationalité, et non comme les païens qui se divisent en nationalités distinctes.