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dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient, afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous en cela de plus que les autres ? Les païens ne le font-ils pas aussi (48) ? Soyez donc, vous autres, parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

Ces versets me paraissaient, auparavant, un complément, un éclaircissement, un renforcement, je dirai même une exagération des paroles : « Ne résistez point au méchant. » Mais, ayant trouvé un sens simple, précis et pratique à chacun des passages qui commencent par une référence à l’ancienne loi, je pressentais la même chose dans celui-ci. Après chaque référence suivait le commandement, et chaque expression du commandement avait de l’importance et ne pouvait pas être eliminée ; ce devait être également le cas ici. Les derniers mots de la citation, répétés chez Luc, qui disent que Dieu ne fait pas de différence entre les hommes, leur prodiguant ses dons à tous, et que, par conséquent, nous aussi nous devons être comme Lui — ne pas faire de différence entre les hommes, ne pas faire comme les païens, mais aimer chacun et faire le bien à tous également — ces paroles étaient claires ; elles m’apparaissaient comme une confirmation, une explication de quelque règle très précise ; mais quelle était cette règle ? De longtemps je ne pus le comprendre.

Aimer ses ennemis ? c’était quelque chose d’impossible. C’était une de ces sublimes pensées que l’on ne peut envisager autrement que comme l’indication d’un