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L’homme, selon la doctrine chrétienne, est un ouvrier de Dieu. L’ouvrier ne connaît pas tous les desseins du maître, mais on lui a donné des indications précises sur ce qu’il doit faire pour ne pas compromettre l’œuvre pour laquelle il est envoyé au travail ; dans tout le reste, on lui laisse pleine liberté. De même, pour un homme qui accepte la conception chrétienne de la vie, le sens de sa vie est tout à fait clair et raisonnable, il ne peut avoir un moment d’hésitation sur la façon dont il doit agir, sur ce qu’il lui faut faire pour remplir sa destinée. Selon la loi donnée par la tradition, par l’esprit et par le cœur, l’homme doit toujours agir envers les autres comme il veut qu’on agisse envers lui ; il doit aider à faire régner entre tous les êtres l’amour et l’union. Mais, d’après ces hommes mondains et clairvoyants, comme l’accomplissement de la loi est encore prématuré, l’homme doit tuer les hommes et par cela, aider non à l’union et à l’amour, mais à l’animosité et au meurtre. C’est comme si un maçon, sachant qu’il participe avec les autres dans la construction d’une maison et ayant reçu du maître lui-même des indications claires et précises sur la façon dont il doit monter le mur, recevait d’un autre maçon comme lui, qui ne sait pas davantage le plan général de la construction et ce qui lui convient, l’ordre de