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et elle dut errer au hasard ; puis, en vertu de lois cruelles, on l’a torturée par le fer, par le feu et par le fouet, afin de la soumettre au travail privé. C’est pourquoi la question : Comment affranchir les ouvriers de leur situation misérable ? se ramène naturellement à celle-ci : Comment supprimer les causes qui ont chassé déjà quelques hommes et qui chassent maintenant et veulent chasser les autres d’une situation que ces hommes ont cru et croient bonne, et qui les ont conduits et les conduisent dans une situation qu’ils ont cru et croient mauvaise ?

La science économique, bien qu’elle montre en passant les causes qui ont chassé de la campagne les ouvriers, ne s’occupe pas du tout des moyens de supprimer ces causes, mais elle porte toute son attention sur ceux d’améliorer la situation actuelle des ouvriers de fabriques et d’usines. Elle semble croire que la situation de ces ouvriers est quelque chose d’immuable, qui, coûte que coûte, doit rester telle quelle pour ceux qui sont déjà aux fabriques, et que les ouvriers qui n’ont pas encore quitté la campagne et le travail agricole devront s’y soumettre. C’est peu. La science économique est si convaincue que tous les ouvriers agricoles doivent inévitablement passer par l’état urbain des fabriques, qu’en dépit des savants et des poètes qui, en tous pays et toujours, ont vu la réalisa-