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trouvent les mêmes exploits héroïques dans les épopées populaires.

Tout cela cette dame doit le savoir, parce qu’on le lui a appris, parce qu’elle a pu le lire dans les livres qui sont à sa portée. Tout cela est également connu des messieurs qui fréquentent son salon.

Voilà pourquoi, non seulement elle n’a pas le droit de croire comme le charbonnier, mais elle ne peut avoir une telle foi. Elle peut dire qu’elle croit comme son charbonnier ; en réalité, elle ne peut pas croire comme lui. Pour elle comme pour le charbonnier, les conditions de foi sont les mêmes. Il faut pour qu’elle croie vraiment, que sa foi embrasse tous les éléments de sa connaissance, qu’elle ne soit pas en opposition avec sa conception du monde, mais au contraire, qu’elle éclaire, qu’elle coordonne en un tout, toutes ses notions.

Cette dame ne me comprendra pas, parce qu’il lui faut cette foi du charbonnier pour continuer à faire servir effrontément à ses caprices, à son luxe de chaque jour, le travail des centaines d’ouvriers, tout en devisant et de Dieu et du Christ et de sa naturelle religiosité. S’approprier, confesser la foi du charbonnier — en d’autres termes, la foi d’hommes qui vivaient il y a deux mille ans — c’est le seul moyen d’assurer la tranquillité de la vie impie où se