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vais lieux leur santé, leur tranquillité, leur honneur et très souvent leur vie. Ils sont à plaindre, ces hommes ; nous voyons très bien que l’erreur à laquelle ils succombent est due aux tentations qui les attirent, à l’inégalité des chances, à l’entraînement du jeu, et ils ont beau savoir qu’en général ils perdent, ils espèrent, malgré tout, être pour une fois, plus heureux que les autres ; tout cela est absolument clair. Mais voilà, pour délivrer les hommes de ce malheur, au lieu de leur montrer les pièges qui les attirent, au lieu de leur montrer que sans doute ils perdront, au lieu de leur montrer l’immoralité du jeu fondé sur l’espérance du malheur des autres ; au lieu de tout cela, nous nous réunissons en assemblées, avec une mine sérieuse, nous discutons cette question : Comment faire pour que les maîtres des maisons de jeu ferment volontairement leurs établissements ? Et nous écrivons des livres sur ce sujet et nous demandons : L’histoire, le droit et le progrès ne veulent-ils pas ces maisons ? Quelles peuvent être les suites économiques, intellectuelles et morales des roulettes, etc. ?

Si je dis à un ivrogne qu’il peut, qu’il doit cesser de boire, il y a quelque chance pour qu’il m’écoute ; mais si je lui dis que son ivrognerie est un problème difficile et compliqué que nous, hommes savants, tâchons de résou-