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possible de lui attribuer un autre sens que celui qu’ils lui donnent. Et leur fausse interprétation se fortifie par l’ancienneté de la tradition.

Le fleuve le plus abondant ne peut ajouter une goutte d’eau à un vase déjà plein.

On peut expliquer à l’homme le plus borné les choses les plus abstraites, s’il n’en a encore aucune notion ; mais on ne peut pas expliquer la chose la plus simple au plus intelligent, s’il est fermement convaincu qu’il sait parfaitement ce qu’on veut lui apprendre.

La doctrine du Christ se présente aux hommes de notre temps comme une doctrine parfaitement connue depuis longtemps jusque dans ses moindres détails, et qui ne peut pas être comprise autrement qu’elle l’est aujourd’hui.

Le christianisme est aujourd’hui pour les fidèles une révélation surnaturelle, miraculeuse, de tout ce qui est dit dans le Credo. Pour les libres penseurs il est une manifestation épuisée du besoin qu’ont les hommes de croire au surnaturel, un phénomène historique qui a trouvé son expression définitive dans le catholicisme, l’orthodoxie, le protestantisme, et qui n’a plus pour nous aucune signification pratique.

La portée de la doctrine est cachée aux croyants par l’Église, et aux libres penseurs par la science.

Parlons d’abord des premiers.

Il y a dix-huit cents ans, au milieu du monde romain, est apparue une nouvelle doctrine, étrange, ne ressemblant à aucune de celles qui l’avaient précédée, et attribuée à un homme, le Christ.

Cette doctrine était absolument neuve — aussi bien par la forme que par le fond — pour le monde juif qui l’avait vue éclore et surtout pour le monde romain où elle était prêchée et propagée.