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naturelles, et il y a des vérités qui se présentent mal définies, vagues. L’homme n’est pas libre de ne pas reconnaître les premières et n’est pas libre de reconnaître les secondes. Mais il y a une troisième catégorie de vérités qui n’ont pas encore pu devenir les motifs irraisonnés de son action, mais qui lui sont déjà révélées avec une telle netteté qu’il ne peut pas ne pas prendre parti et doit ou les reconnaître ou les rejeter. C’est vis-à-vis de ces vérités que la liberté de l’homme se manifeste.

Tout homme se trouve, pendant sa vie, vis-à-vis de la vérité, dans la position d’un piéton qui marche dans l’obscurité à la lumière d’une lanterne dont il projette la clarté devant lui ; il ne voit pas ce que la lanterne n’éclaire pas encore ; il ne voit pas non plus le chemin qu’il a parcouru et qui est déjà retombé dans l’obscurité ; mais, à quelque endroit qu’il se trouve il voit ce qui est éclairé par la lanterne, et il est toujours libre de choisir l’un ou l’autre côté de la route.

Il y a toujours des vérités invisibles, qui n’ont pas encore été révélées au regard intellectuel de l’homme ; il y a d’autres vérités déjà vécues, oubliées et assimilées par l’homme, et il y a certaines vérités qui surgissent devant lui à la clarté de son intelligence et qu’il ne peut pas ne pas reconnaître. Et c’est par la reconnaissance ou la non-reconnaissance de ces vérités que se manifeste ce que nous appelons liberté.

Toute la difficulté apparente de la question de la liberté provient de ce que les hommes qui ont à la résoudre se représentent l’homme comme immobile vis-à-vis de la vérité.

L’homme n’est certainement pas libre si nous le représentons comme immobile, si nous oublions que la vie de l’humanité n’est qu’un mouvement inces-