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gère l’hypnotiseur. Comme par exemple si l’on suggère à l’hypnotisé qu’il est boiteux et il se met à boiter, qu’il est aveugle et il ne voit plus, qu’il est un fauve et il se met à mordre. Dans la même situation se trouvent tous ceux qui accomplissent leurs devoirs sociaux et gouvernementaux avant et au détriment des devoirs de l’homme.

La différence, entre les hypnotisés par les moyens ordinaires et ceux qui se trouvent sous l’influence de la suggestion gouvernementale, est qu’on suggère aux premiers une situation imaginaire, tout à coup, par une seule personne et pour très peu de temps, et que, par suite, cette situation se présente à nous dans une forme qui nous surprend par sa brusquerie, tandis que la suggestion gouvernementale s’opère petit à petit, insensiblement, dès l’enfance, et parfois non seulement pendant des années, mais pendant plusieurs générations, et cela non pas par une seule personne, mais par tout l’entourage.

« Mais, objectera-t-on, toujours, dans toutes les sociétés la majorité des hommes, tous les enfants, toutes les femmes, absorbées par les devoirs et les soucis de la maternité, toute la grande masse des travailleurs, absorbés par leur labeur, tous les hommes faibles d’esprit, anormaux, tous les affaiblis, intoxiqués par la nicotine, l’alcool, l’opium ou d’autres causes, tous, se trouvent dans la situation de ne pouvoir penser avec indépendance, ou bien se soumettent à ceux qui sont placés à un plus haut degré intellectuel, ou bien demeurés sous l’influence des traditions familiales ou sociales et se soumettent à ce qu’on appelle l’opinion publique, et il n’y a rien d’anormal et de contradictoire dans cette soumission.

Et, en effet, il n’y a là rien d’anormal, et la tendance