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Au degré inférieur de l’échelle sociale, les soldats armés de fusils, de pistolets, de sabres, violentent et tuent, et par ces violences et ces meurtres forcent les hommes à entrer au service militaire, et ils sont absolument sûrs que la responsabilité de ces actes incombe seulement aux chefs qui les commandent.

Au degré supérieur, le roi, le président, les ministres, les parlements ordonnent ces violences et ces meurtres, et ce recrutement, et sont absolument sûrs que, étant placés au pouvoir, ou par la grâce de Dieu ou par la société qu’ils gouvernent et qui leur demande justement ce qu’ils ordonnent, ils ne peuvent être responsables.

Entre les uns et les autres se trouve une classe intermédiaire qui surveille l’exécution de ces violences, et elle est absolument sûre que sa responsabilité est annihilée en partie par les ordres des supérieurs, en partie par le fait que ces ordres sont demandés par tous ceux qui sont placés au degré inférieur de l’échelle.

L’autorité qui commande et l’autorité qui exécute, placées aux deux limites extrêmes de l’organisation gouvernementale, se relient comme les deux bouts d’un anneau : elles dépendent l’une de l’autre et se maintiennent mutuellement.

Sans la conviction qu’il se trouve une personne ou des personnes qui prennent la responsabilité des actes commis, pas un soldat n’oserait lever le bras pour commettre une violence. Sans la conviction que cela est demandé par tout le peuple, aucun empereur, roi, président, aucune assemblée n’oserait ordonner ces violences. Sans la conviction qu’il y a des supérieurs qui assument la responsabilité de ses actes et des inférieurs qui les demandent pour leur bien, aucun des hommes de la classe intermédiaire n’oserait participer à l’exécution des actes dont ils sont chargés.