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les hommes (la plupart trompés et soumis n’ont rien à tolérer ou à interdire). Cela est toléré par ceux seulement qui, dans une pareille organisation, occupent une situation avantageuse. Ils le tolèrent parce que les désavantages que présenterait pour eux la présence d’un fou à la tête du gouvernement ou de l’armée sont toujours moindres que ceux qui résulteraient pour eux de la disparition de l’organisation elle-même.

Un juge, un commissaire de police, un gouverneur, un officier occupera indifféremment sa situation dans une monarchie ou dans une république ; mais il la perdrait certainement si l’ordre de choses qui la lui assure disparaissait. C’est pourquoi tous ces gens ne craignent pas de voir qui que ce soit à la tête de l’organisation de la violence : ils se feront bien venir de tous. C’est pourquoi ils soutiennent toujours le gouvernement, et souvent inconsciemment.

On doit s’étonner de voir des hommes libres qui n’y sont nullement obligés, ce qu’on appelle l’élite de la société, entrer au service militaire en Russie, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et même en France, et désirer des occasions de tuerie. Pourquoi des parents, d’honnêtes gens, font-ils entrer leurs enfants dans des écoles militaires ? Pourquoi les mères leur achètent-elles comme jouets préférés des shakos, des fusils, des sabres ? (Il est à remarquer que les enfants de paysans ne jouent jamais aux soldats.) Pourquoi des hommes bons, et même des femmes, qui n’ont rien à voir au militarisme, aux exploits des Skobelev et autres, ne tarissent-ils d’éloges à leur sujet ? Pourquoi des hommes qui n’y sont nullement forcés, qui ne reçoivent à cet effet aucun traitement, comme par exemple les maréchaux de noblesse en Russie, consacrent-ils des mois entiers à un travail physiquement pénible et morale-