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de cette répression, de même que les voyageurs de notre train, qui, sans y participer, assistaient seulement à ses préparatifs, tous avaient honte.

Pourquoi donc le faisaient-ils ou le toléraient-ils ? Demandez-le-leur. Les fonctionnaires répondront que c’est pour assurer l’ordre nécessaire au bien du pays, indispensable au progrès de toute société constituée.

Ceux qui obéissent, ceux qui doivent de leurs mains accomplir la violence, les paysans, les soldats, répondront que cela a été ordonné par l’autorité supérieure et que l’autorité sait ce qu’elle fait. Quant à savoir si l’autorité doit être entre les mains des hommes qui la détiennent, pour eux cela est indiscutable. Si même la possibilité d’une erreur pouvait être admise par eux, ils ne pourraient la comprendre que d’un fonctionnaire inférieur ; quant à l’autorité supérieure, elle est pour eux toujours infaillible.

Bien qu’ils expliquent leur conduite par des motifs différents, les chefs comme les subordonnés sont d’accord pour dire qu’ils agissent ainsi parce que l’ordre de choses existant est nécessaire et qu’il est du devoir sacré de chacun de contribuer à son maintien.

C’est sur la nécessité et sur l’immutabilité de cet ordre de choses qu’ils se basent pour justifier leur participation aux violences du gouvernement. « Puisque cette organisation est immuable, disent-ils, ce n’est pas le refus d’obéir d’un individu isolé qui pourrait y apporter le moindre changement. Il arriverait seulement que la mission dont cet insoumis ne voudrait pas se charger serait confiée à un autre qui l’accomplirait peut-être d’une façon plus rigoureuse et plus cruelle. »

C’est cette argumentation qui permet à des hommes, honnêtes et bons dans la vie privée, de participer, la conscience plus ou moins tranquille, à des actes comme