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chrétiens et ne le sont pas, des méchants, prêts pour la satisfaction de leurs passions, à faire du mal aux autres, la suppression du gouvernement, loin d’être un bien pour les autres hommes, ne pourrait qu’augmenter leur misère. La suppression de la forme gouvernementale ne sera pas désirable, non seulement tant qu’il n’existera qu’une minorité de véritables chrétiens, mais même lorsque tous le seront et que, parmi eux ou autour d’eux, chez les autres nations, il y aura encore des non-chrétiens, car ces derniers voleraient, violenteraient, tueraient impunément les chrétiens et rendraient leur vie misérable. Il arriverait que les mauvais domineraient impunément les bons. C’est pourquoi l’état ne doit pas être supprimé jusqu’au jour où tous les hommes méchants et rapaces auront disparu. Et comme cela ne peut être, sinon jamais, du moins de longtemps encore, le pouvoir gouvernemental, malgré les tentatives isolées d’affranchissement, doit être maintenu pour la plupart des hommes. »

Ainsi donc, d’après les défenseurs de l’état, sans le pouvoir gouvernemental les mauvais violenteraient les bons et les domineraient ; tandis qu’aujourd’hui il permet aux bons de maîtriser les méchants.

Mais, en l’affirmant, les défenseurs de l’ordre de choses actuel décident d’avance l’indiscutabilité du principe qu’ils veulent prouver. En disant que sans le pouvoir gouvernemental les méchants domineraient les bons, ils considèrent comme démontré que les bons sont ceux qui aujourd’hui sont au pouvoir, et les méchants ceux qui se soumettent. Mais c’est justement cela qu’il faudrait prouver. Ce ne serait vrai que si, dans notre société, les choses se passaient comme elles se passent, ou plutôt comme on suppose qu’elles se passent en Chine, c’est-à-dire que ce soient toujours les bons qui arrivent au pou-