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Les uns disent que l’état est plus nécessaire ; que la destruction du régime gouvernemental amènerait celle de tout ce qui a été acquis jusqu’ici par l’humanité ; que l’état a été et est toujours l’unique forme sous laquelle l’humanité peut se développer, et que tous les abus peuvent être corrigés sans la destruction d’une organisation dont ils sont indépendants et qui permet à l’homme de progresser et d’arriver au plus haut degré de bien-être. Et ceux qui pensent ainsi appuient leur opinion sur des arguments philosophiques, historiques et même religieux qui leur semblent irréfutables.

Mais il y a des hommes qui croient le contraire, c’est-à-dire que, puisqu’il y a eu un temps où l’humanité vivait sans gouvernement, ce régime est donc temporaire, qu’un temps viendra où les hommes auront besoin d’une organisation nouvelle et que ce temps est arrivé. Et ceux qui pensent ainsi donnent à l’appui de leur opinion des arguments philosophiques, historiques ou religieux qui leur semblent irréfutables.

On peut écrire des volumes entiers en faveur de la première thèse (ils sont déjà écrits depuis longtemps et on en écrit encore), mais on peut également écrire beaucoup contre (ce qui, quoique plus récemment, a été fait, et d’une façon magistrale).

Et on ne peut pas prouver, comme cherchent à le faire les défenseurs de l’état, que la destruction de l’organisation actuelle amènerait un chaos social : le brigandage, l’assassinat, la ruine de toutes les institutions et le retour de l’humanité à la barbarie. On ne peut pas prouver non plus, comme cherchent à le faire les adversaires de l’état, que les hommes sont déjà devenus assez sages et assez bons, qu’ils ne volent ni ne tuent, qu’ils préfèrent les relations pacifiques à la haine ; que d’eux-mêmes, sans l’aide de l’état, ils créeront tout ce