Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

frappe, on les emprisonne, mais ils tiennent bon et ne vont pas à l’encontre de leur foi. Et on cesse de les choisir comme centeniers, et de nouveau « rien ».

Tous les citoyens doivent participer à la justice comme jurés. Et voici que des gens appartenant aux classes les plus diverses, des carrossiers, des professeurs, des négociants, des moujiks, des nobles, refusent ces fonctions en se basant, comme s’ils s’étaient donné le mot, non sur des motifs reconnus par la loi, mais sur ce que le tribunal lui-même, selon leur croyance, est illégitime, antichrétien et ne doit pas exister. On leur applique des amendes en tâchant de ne pas leur laisser exprimer publiquement les motifs de leur refus, et on les remplace par d’autres. On procède de même avec ceux qui, pour la même raison, refusent d’être témoins. Ici encore « rien ».

Tous les jeunes gens de 21 ans sont obligés de tirer au sort. Tout à coup un jeune homme à Moscou, un autre à Tver, un troisième à Kharkov, un quatrième à Kiev, comme s’ils s’étaient entendus, se présentent au bureau de recrutement et déclarent ne vouloir ni prêter serment ni servir, parce qu’ils sont chrétiens.

Voici un des premiers cas que je connaisse bien personnellement, de ces refus, qui deviennent de plus en plus fréquents[1]. Un jeune homme d’une instruction moyenne refuse le service, à la mairie de Moscou. On ne prête pas attention à ses paroles et on lui demande comme aux autres de prononcer le serment. Il refuse en indiquant l’endroit exact de l’Évangile qui défend de jurer. De nouveau on ne prête aucune attention à ce qu’il dit et on exige qu’il se conforme à la règle, mais

  1. Tous les détails de ce fait comme de ceux qui précèdent sont authentiques.