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contre les forces qui, en fermant leurs yeux sur la criminalité de ces actions, les entraînent à les commettre.

Rien, plus que le service universel, ne rend évidente la contradiction dont souffrent les hommes de notre époque ; c’est la dernière expression de la violence.

Si nous ne voyons pas cette contradiction, ce n’est pas parce que cet état d’armement universel est arrivé progressivement, insensiblement, et que les gouvernements disposent pour le maintenir de tous les moyens d’intimidation, de corruption, d’abrutissement et de violence. Cette contradiction nous est devenue si habituelle que nous ne voyons pas toute la stupidité et l’immoralité terrible des actions des hommes qui choisissent librement la profession de tueurs comme quelque chose d’honorable, ou de ces malheureux qui consentent à servir dans l’armée, ou même de ceux qui, dans les pays où le service obligatoire n’existe pas, abandonnent leur travail pour le recrutement des soldats et les préparatifs de la tuerie.

Tous sont des chrétiens ou des hommes qui professent l’humanité ou le libéralisme, et ils savent qu’en commettant ces actions ils participent aux assassinats les plus insensés, les plus inutiles et les plus cruels.

Bien plus, en Allemagne, le berceau du service obligatoire, Caprivi a exprimé ce que l’on cachait soigneusement, que les hommes qu’il faudra tuer ne sont pas seulement des étrangers, mais des nationaux : ces mêmes ouvriers qui fournissent le plus grand nombre de soldats. Et cet aveu n’a pas ouvert les yeux aux hommes et ne les a pas terrifiés ! Et après comme avant ils marchent comme des moutons et se soumettent à tout ce qu’on exige d’eux.

Mais il y a mieux encore, l’empereur d’Allemagne a récemment expliqué avec plus de précision la mission