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légitime, mais même nécessaire. Ils diront pour leur défense que les autorités sont de Dieu, que les fonctions d’état sont nécessaires au bonheur de l’humanité, que la richesse n’est pas contraire au christianisme, qu’il a été dit au riche adolescent de ne donner son bien que dans le cas où il voudrait être parfait, que la distribution des richesses et le commerce doivent exister tels quels et profitent à tout le monde ; mais, malgré tous leurs efforts pour se tromper et tromper les autres, tous ces hommes savent que ce qu’ils font est contraire à ce qu’ils croient, à ce au nom de quoi ils vivent, et, dans leur for intérieur, lorsqu’ils restent seuls avec leur conscience, ils ont honte et souffrent du souvenir de leurs actions, surtout lorsque la vilenie leur en a été montrée. Qu’il professe ou non la divinité du Christ, l’homme de notre époque ne peut pas ignorer que participer soit comme souverain, soit comme ministre, préfet ou garde champêtre, à la vente de la dernière vache d’une pauvre famille pour satisfaire le fisc, et employer cet argent à l’achat de canons ou à des traitements ou des pensions de fonctionnaires oisifs et inutiles, vivant dans le luxe ; ou participer à l’emprisonnement d’un père de famille que nous avons nous-mêmes corrompu, et faire de sa famille des mendiants ; ou participer à des rapines et à des tueries de guerre ; ou participer à l’enseignement de superstitions barbares, iconolâtres, à la place de la loi du Christ ; ou bien s’emparer de la vache qui est entrée sur votre propriété et dont le maître ne possède pas de terre ; ou bien faire payer à un pauvre un objet le double de ce qu’il vaut par ce seul fait qu’il est pauvre : aucun homme ne peut ignorer que toutes ces actions sont mauvaises, honteuses.

Tous savent que ce qu’ils font est mauvais, et ils ne le feraient pour rien au monde s’ils pouvaient réagir