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à une seule autorité, la lutte entre personnalités semble plus faible encore, et la durée de l’état plus certaine.

Ces réunions en groupes de plus en plus grands se sont produites non pas parce que les hommes ont eu conscience d’y trouver un avantage, comme on le raconte dans la légende de l’appel des Varègues en Russie, mais à cause de l’accroissement des populations et par suite des luttes et des conquêtes.

Après la conquête, en effet, le pouvoir du conquérant fait disparaître les dissensions intestines, et la conception sociale de la vie reçoit sa justification. Mais cette justification n’est que temporaire. Les dissensions intestines ne disparaissent qu’en raison d’une pression plus forte du pouvoir sur les personnalités qui étaient en hostilité. La violence de la lutte intérieure, étouffée par le pouvoir, renaît dans le pouvoir lui-même. Il se trouve entre les mains d’hommes qui, comme tous les autres, sont enclins à sacrifier le bien général à leur bien personnel, avec cette différence que les violentés ne peuvent leur résister, et qu’ils subissent l’influence démoralisatrice du pouvoir. C’est pourquoi le mal de la violence, en passant dans le pouvoir, ne cesse d’augmenter et devient plus grand que celui dont le pouvoir a été le remède. Et cela, pendant que chez les membres de la société les tendances à la violence s’affaiblissent de plus en plus, et que la violence du pouvoir devient par conséquent de moins en moins nécessaire.

Le pouvoir gouvernemental, si même il fait disparaître les violences intérieures, introduit toujours dans la vie des hommes des violences nouvelles, toujours de plus en plus grandes, en raison de sa durée et de sa force. De sorte que, si la violence du pouvoir est moins évidente que celle des particuliers, parce qu’elle se manifeste non