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Les religions patriarcales divinisaient la famille, la race, le peuple ; les religions sociales divinisaient les rois, les États. Même aujourd’hui la plupart des ignorants — comme nos paysans qui appellent le tsar un Dieu terrestre — se soumettent aux lois sociales, non pas d’après la conscience raisonnée de leur nécessité, non pas parce qu’ils ont une idée de l’état, mais par un sentiment religieux.

De même aujourd’hui la doctrine du Christ apparaît sous l’aspect d’une religion surnaturelle, alors qu’en réalité elle n’a rien de mystérieux, de mystique, de surnaturel. C’est simplement une doctrine de la vie correspondant au degré de développement de l’âge dans lequel se trouve l’humanité, et qui, par conséquent, doit forcément être acceptée par elle.

Le temps viendra — il vient déjà — où les principes chrétiens de la vie, — fraternité, égalité, communauté des biens, la non-résistance au mal par la violence — paraîtront aussi simples et aussi naturels que nous le semblent aujourd’hui les principes de la vie familiale et sociale.

Ni l’homme ni l’humanité ne peuvent revenir en arrière. Les conceptions familiale et sociale sont des phases traversées par les hommes ; il leur faut marcher en avant et s’assimiler la conception suivante, supérieure ; ce qui a lieu actuellement.

Ce mouvement s’accomplit de deux côtés à la fois : consciemment, par suite de causes morales ; inconsciemment, par suite de causes matérielles.

De même qu’un individu isolé ne change pas son existence seulement pour des raisons morales, mais que, le plus souvent, il continue à vivre comme par le passé malgré le nouveau sens et le nouveau but dévoilés par la raison, et ne modifie sa vie que lorsqu’elle est devenue