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blement la conception chrétienne qui apparaît dans chaque maxime de l’Évangile.

On peut ne pas partager cette opinion, on peut la nier, prouver son inexactitude, mais il est impossible de juger une doctrine sans avoir pénétré la conception d’où elle découle. Et d’autant plus est-il impossible de juger une thèse d’ordre supérieur en se plaçant à un point de vue inférieur : juger du clocher en regardant les fondations. Et c’est précisément ce que font nos savants. Et ils le font parce qu’ils se trouvent dans une erreur semblable à celle des fidèles de l’église, se croyant en possession de tels procédés d’investigation qu’il suffit de les appliquer, et qu’aucun doute ne peut s’élever sur le résultat de leur examen.

Cette possession d’un procédé prétendu infaillible constitue le principal obstacle à l’intelligence de la doctrine chrétienne par les athées et les soi-disant savants dont l’opinion sert de guide à la grande majorité des incrédules, sensés instruits. C’est de cette prétendue interprétation que résultent toutes les erreurs des savants relativement à la doctrine chrétienne, et particulièrement deux malentendus étranges qui, plus que toute autre chose, empêchent de la comprendre.

Un de ces malentendus est que la doctrine chrétienne est irréalisable ; c’est pourquoi ou bien elle n’est pas obligatoire du tout, c’est-à-dire ne doit pas servir de guide, ou bien elle doit être modifiée, tempérée jusqu’aux limites où son observance est possible dans notre ordre de choses. Le deuxième malentendu consiste en ce que cette doctrine, qui commande d’aimer et de servir Dieu, est peu claire, mystique et n’a pas d’objet défini d’amour ; que, par conséquent, elle doit être remplacée par la doctrine plus exacte et plus compréhensible d’aimer et de servir l’humanité.