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réponse. Pourtant, tout ce monde n’était pas insensible et bête. Il est certain que ces gens glacés et corrects avaient comme moi une vie intime ; pour beaucoup d’entre eux, même, cette vie était plus compliquée et plus intéressante que la mienne. Pourquoi donc se privaient-ils d’un des plus vifs plaisirs, celui de communiquer avec son semblable, plaisir humain par excellence !

Quelle différence avec notre pension parisienne, où vingt hommes de nationalité, de profession et de caractère différents, sous l’influence de l’esprit français, si communicatif, prenaient plaisir à se trouver réunis à une table commune ! Dès la première minute, la conversation s’engageait d’un bout de la table à l’autre ; et, bien que quelques-uns parlassent difficilement, la causerie, semée de plaisanteries et de jeux de mots, ne tardait pas à devenir générale.